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Mesurer Pi avec son smartphone : un défi pédagogique stimulant

Dernière mise à jour : 24 mars 2023

Le 14 mars (3-14 dans le calendrier américain) est traditionnellement appelé Pi Day, la journée de Pi. L'occasion pour nous de saluer cette constante mathématique qui a fasciné le monde entier depuis des millénaires et que l’on retrouve, un peu par magie parfois, dans divers domaines comme les mathématiques ou la physique.


Dans cet article, nous vous proposons de relever avec vos élèves le défi suivant : “Mesurer Pi avec les capteurs d’un smartphone”. Bien sûr le but est d'être un peu plus créatif que de mesurer le périmètre d'une roue !


Table des matières :


Pourquoi mesurer Pi avec un smartphone ?


Une question s'impose : cela a-t-il un sens d’essayer de calculer Pi avec les capteurs d’un smartphone ? Après tout Pi est une constante mathématique dont la valeur peut être très précisément calculée avec différentes méthodes largement éprouvées. Selon Wikipedia, le record de précision établi en juin 2022 s'établit à plus de 100 000 milliards de décimales !


Pourquoi donc vouloir calculer Pi avec des instruments physiques dont la précision est nécessairement très inférieure à ce qui serait nécessaire pour estimer avec exactitude cette grandeur ?


Nous proposons de relever ce défi car outre son côté ludique il présente de nombreux aspects très intéressants du point de vue pédagogique :

  • stimuler la créativité des élèves et leurs compétences expérimentales,

  • travailler sur la notion de précision et d’erreur,

  • réfléchir sur la notion de constante.


Chacun est familier avec la fameuse anecdote de Niels Bohr sur la mesure de la hauteur d’un bâtiment. De la même manière, à travers ce défi, nous demandons aux élèves un effort d’analyse des formules qu’ils utilisent et de créativité sur les moyens de les vérifier. Quels capteurs puis-je utiliser ? Quelles grandeurs physique étudier ? Quel système mettre en place pour être le plus précis possible dans les mesures ? Cette recherche est bien sûr à la base de la méthode d’investigation et un moyen ludique d'intéresser les élèves.


Une fois la méthode identifiée, c’est la précision des capteurs qui va permettre d’atteindre la précision maximale pour le calcul de Pi. Bien que les capteurs de smartphone soient des instruments de mesures de haute qualité, leur précision est cependant rarement inférieure à un pour cent. Quelle précision les élèves peuvent-ils espérer obtenir ? Est-ce que cette précision dépend du type d’analyse ? Comment améliorer la mesure ? Ce sont les questions que les élèves doivent se poser pour toute séance d’expérimentation.


Finalement cet exercice est l’occasion de réfléchir sur la notion de constante. Qu’est-ce qu’une constante ? Qu’est-ce qui différencie une constante physique d’une constante mathématique ?


Le calcul de Pi avec un smartphone est un exercice intellectuellement et manuellement très stimulant et nous espérons que vos élèves et vous-même aurez autant de plaisir que nous à le relever. Nous présentons ci-dessous cinq expériences que nous avons imaginées et réalisées … vos élèves et vous-même en trouverez sûrement bien d’autres !



Pi en physique


Pi est né d’abord de la géométrie plane Euclidienne, et se définit comme le rapport de la circonférence d’un cercle sur son diamètre. Cette définition géométrique a progressivement évoluée et notamment de l’analyse, une définition plus analytique et éloignée de la géométrie a été proposée.


La constante Pi se retrouve dans toutes les branches des sciences et en particulier en physique. La raison en est simple : de nombreux phénomènes physiques impliquent des formes circulaires ou sphériques, comme les mouvements orbitaux des planètes, les oscillations de pendules, les ondes sonores, ... Les équations qui décrivent ces phénomènes vont inclure des termes qui font référence à la géométrie circulaire, et donc à Pi.


Par exemple, la formule qui décrit la période de rotation T d'un objet en orbite autour d'un corps plus massif est donnée par T = 2π√(r³/GM), ou encore la période d’un pendule pour de faibles oscillations, T = 2π√(L/g), ou enfin la La loi de Coulomb qui décrit l'interaction électrique entre deux charges électriques, F = (q1 * q2) / (4πεr²).


De façon générale, Pi apparaît ainsi dans toutes les formules qui font appel à la notion de cercle ou de sphère mais apparaît également dans les formules de physique qui décrivent la propagation d'ondes. Les équations d’ondes utilisent souvent des fonctions trigonométriques, et font naturellement apparaître le nombre pi.


Dans le secondaire les élèves utilisent en physique de nombreuses formules qui font appel à Pi. Il sera bon de faire avec eux un inventaire pour déterminer celles qui pourraient être utilisées en coordination avec des mesures faites par les capteurs de téléphones mobiles.


Dans la suite de cet article, nous détaillons quatres méthodes qui utilisent les capteurs de smartphones. Il y en a bien d’autres et nous sommes à l’écoute de vos solutions !



Le compteur kilométrique de Vitruvius Pollio


Méthode : Au 1er siècle avant Jésus-Christ, l'ingénieur romain Marcus Vitruvius Pollio avait mis au point un précurseur du compteur kilométrique. Son système, lié à la roue, faisait tomber des petites pierres dans un réceptacle à chaque tour de roue. À la fin du parcours, il suffisait de multiplier le nombre de pierres par la circonférence de la roue pour obtenir la distance précise parcourue.


Expérience : Utilisons cette idée ingénieuse pour calculer Pi. Nous parcourons une certaine distance à vélo et nous comptons le nombre de tours que fait la roue. On déduit pi du ratio de la distance au diamètre de la roue.


Pour calculer la distance parcourue, nous utilisons le capteur GPS du smartphone. FizziQ mesurant indépendamment les variations de latitude et de longitude, nous utilisons une route en ligne droite orientée nord/sud ou est/ouest. Le point d'arrivée et de départ sont à la même longitude (latitude), la distance parcourue est donc simplement le rayon de la terre multiplié par la différence en radians entre la latitude (longitude) de départ et celle d'arrivée.

Pour compter le nombre de tours que la roue a parcourue, on intercale entre les rayons de la roue avant une carte en plastique que l’on plie à angle droit afin que celle-ci frotte sur la fourche de la roue avant. Cela produit un ‘clac’ sonore facilement identifiable à chaque tour de la roue. En enregistrant le niveau sonore pendant la course, on identifie les brusques variations d’intensité du son qui correspond à chaque nouveau tour de roue. Un équivalent moderne au système de Vitruvius Polio.


Avec l’application FizziQ, on utilise le mode ‘capteur duo’ pour enregistrer simultanément le niveau sonore en db et la latitude. On peut utiliser également le déclencheur pour que l’enregistrement des données débute 5 secondes après avoir pressé le bouton et s'arrête automatiquement au bout de 20s.


Résultats : Pour réaliser cette expérience nous avons parcouru l’avenue de la Reine dans le bois de Vincennes orientée nord/sud. On a compté 18 tours pour une différence de latitude de 0.35 milli-degrés, ce qui donne une distance parcourue de 38.9 m (0.35/1000*40 000 000/360). La roue est de type 700, soit en théorie un diamètre de 70 cm. En pratique, avec le tassement du au poids cycliste, on peut considérer un diamètre légèrement plus petit de 69 cm. On obtient une approximation de la valeur de Pi de 3.13, soit une erreur inférieure à 0.5%. Le GPS a une précision de l’ordre de 1m , donc cette estimation est très satisfaisante.



Le pendule de Newton


Méthode : le pendule est un outil d’expérimentation idéal pour étudier la gravité et l’énergie car pour les petits mouvements, la période T de l’oscillation ne dépend que de la longueur L du balancier et de la constante de gravitation g : T = 2π√(L/g). En mesurant la longueur et la période et en connaissant g localement, on peut déduire Pi.


Expérience : Nous utilisons un pendule de Newton pour mesurer précisément la période en chronométrant les écarts de temps entre le son des chocs des billes. D’autres méthodes de mesure de la période peuvent être utilisées avec des pendules simples comme la détection magnétique ou par intensité lumineuse .


Dans FizziQ, nous mesurons l’intensité sonore sur une durée correspondant à plusieurs collisions, puis en positionnant les curseurs on calcule la période moyenne des oscillations.


Résultats : dans cette expérience, nous calculons la longueur du pendule par trigonométrie. La longueur d’un fil est de 14 cm, le diamètre d’une boule 2 cm et l’écartement 8,5 cm, soit une longueur de pendule de 14,35 cm. La fréquence mesurée sur le graphique est 0.755s, ce qui donne une approximation de Pi à 3.121.


L’intérêt de cette méthode est double : la précision de la période est bonne puisque la fréquence d’acquisition du niveau sonore est de 200 hertz; elle est moins sensible à la détermination de la longueur que la méthode précédente. Une erreur de 10% sur la longueur entraîne une erreur pour Pi de 3% contre 10% pour une erreur sur le diamètre de la roue avec la méthode précédente. On aura intérêt à travailler avec de grands balanciers.


La centrifugeuse


Méthode : l'accélération centripète est l'accélération qui maintient un objet en mouvement circulaire uniforme sur une trajectoire circulaire. Pour un mouvement circulaire uniforme, l'accélération a centripète est donnée par la formule a = 4π²ω²R, où ω est la vitesse de l'objet de rotation et R est le rayon du cercle décrit. En mesurant l’accélération et la vitesse de rotation d’une roue de vélo, on peut déduire de la formule le nombre Pi.


Expérience : Pour réaliser des rotations les plus régulières possibles, nous utiliserons une roue de vélo montée sur un des côtés pour être stable. On fixe le smartphone sur la roue avec un élastique. La plupart des smartphones sont équipés de capteurs accéléromètres et permettent de mesurer l’accélération centripète.


La vitesse de rotation sera détectée en utilisant le gyroscope en mode duo.


Résultats : le graphique d’enregistrement sur l’application FizziQ de l’accélération transversale et du champ magnétique nous donne les informations sur l’accélération centripète et la vitesse de rotation. Dans notre essai, la vitesse de rotation est 0,481 rotation/s. Le diamètre de la roue est de 34 cm et l'accélération moyenne de 3,20 m/s². On obtient une estimation pour Pi de 3,18.


Ce résultat est finalement relativement précis étant donné que nous utilisons deux instruments pour ce calcul.



Effet Doppler


Méthode : la mesure précédente nécessite de connaître le rayon de la roue. On peut éviter d'utiliser un mètre en mesurant la vitesse d'un mobile attaché à la périphérie de la roue par la mesure de l'effet Doppler. La vitesse tangentielle du mobile est v = cΔf/f et d'autre part v = 2πRω avec ω est la vitesse de rotation. D'autre part l'accélération centripète est a = v²/R. D'où a = 2πωcΔf/f


Expérience : nous attachons horizontalement une roue sur un établi pour faire les expériences. Avec un élastique nous attachons un smartphone à la roue qui enregistrera l'accélération centripète. Ce mobile émet également un son de 680 hertz de la bibliothèque de sons. Sous la roue nous plaçons un deuxième smartphone qui mesure la fréquence. Dans FizziQ nous activons l'option "Calcul rapide des fréquences" dans l'onglet Réglages > Échantillonnage.


Cette option permet d'enregistrer les fréquences fondamentales

avec un échantillonnage de 40 hertz. Nous lançons les enregistrements de l'accélération centripète et de la fréquence puis nous faisons tourner la roue de manière vigoureuse.


Résultats : Les graphiques ci-joint donnent les valeurs de l'accélération et de la mesure de fréquence. On a un décalage de Δf = 4 hertz, et une accélération moyenne de 13,1m/s². On mesure sur le graphique de fréquence la période de rotation de la roue, soit 0,98 s. On obtient une valeur de Pi : π = 3,23. On constate que cette mesure est très sensible à la détermination du décalage de fréquence du à l'effet Doppler. Par contre elle n'utilise pas la notion de mesure de longueur !



Voyage probabiliste à Monte-Carlo


Méthode : Le calcul de π par la méthode de Monte-Carlo consiste à tirer au hasard des nombres x et y dans l'intervalle [0;1]. La probabilité pour qu'un point de coordonnées (x,y) ait une norme inférieur à 1 est π / 4. Nous utilisons les capteurs comme générateurs de nombre aléatoires pour estimer Pi.


Expérience : quand on étudie les données produites par l’accéléromètre ou le gyroscope d’un smartphone, on constate qu’elles comportent un grand nombre de chiffres après la virgule, souvent plus de 10. Ces chiffres ne sont bien sûr pas significatifs et sont le résultat du bruit dans le capteur. Ils sont aléatoires. Nous utilisons cette propriété pour générer des nombres aléatoires et en utilisant la méthode de Monte Carlo, donner une estimation de Pi.


On utilise le mode duo pour enregistrer simultanément sur FizziQ l’accélération horizontale et l’accélération verticale. On pose le smartphone sur une table, puis on enregistre les données pendant 15 secondes. Après avoir enregistré les données dans le cahier d’expérience, on exporte le cahier sous forme CSV.


Dans un tableur, on crée pour deux nouvelles colonnes qui capturent 3 chiffres au milieu de la chaîne de caractères des données. Par exemple si la cellule qui contient l’accélération x est A1, on utilisera la formule suivante pour créer un chiffre compris entre 0 et 1000 composé des caractères en 4eme, 5eme et 6eme position:

"=VALUE(MID(A1,5,1)&MID(A1,6,1)&MID(A1,7,1))“


On crée une colonne pour chaque accélération, puis on calcule la racine carrée de la somme des carrés. Finalement on compte le nombre d'occurrences, n1 inférieures à 1000.

Pi = 4*n1/N où N est le nombre total d’observations.


Résultats : nous avons réalisé cette expérience avec 2430 données correspondant à un enregistrement d’environ 20 secondes. Nous obtenons pour Pi la valeur 3,164. Peut-on faire mieux ? Malheureusement cet algorithme converge très lentement : pour obtenir une précision de 0,001 avec un intervalle de confiance de 95% il faudrait environ 1 million de tirages, donc nous sommes loin du compte !



Conclusion


Nous avons présenté cinq méthodes pour mesurer pi, mais il en existe de nombreuses autres faisant appel à d’autres capteurs ou d’autres notions. En faisant appel à la créativité des élèves et en utilisant un simple smartphone, on voit que l’on peut monter rapidement des manips extrêmement intéressantes et ouvrant de nombreuses avenues pédagogiques. Le mesure de Pi est une occasion pour aborder les équations fondamentales de la physique avec un autre regard, de réfélchir aux notions de constantes, de précision ou de cohérence des données, et faire réaliser à vos élèves des séances d’expérimentation qu’ils pourront poursuivre avec leur propres smartphones. A eux de jouer !



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