Guide pratique : Inviter un scientifique en classe pour enrichir l’apprentissage
- Christophe Chazot
- 26 nov. 2024
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 mai
Faire intervenir un scientifique en classe est une occasion unique pour les élèves de découvrir le monde concret des sciences à travers des échanges enrichissants. Ces interventions ne se limitent pas à transmettre des connaissances : elles captivent, motivent et suscitent la curiosité. De nombreux programmes sont disponibles pour aider les enseignants à organiser ces rencontres, adaptés à des thématiques et des contextes variés, et que nous détaillons dans cet article.
Pourquoi inviter un intervenant scientifique en classe ?
Les interventions scientifiques en classe répondent à des objectifs pédagogiques :
Promouvoir les sciences et les technologies : Ces rencontres rendent les sciences plus accessibles et captivantes, tout en mettant en lumière leur rôle dans notre quotidien et dans les défis globaux.
Susciter la curiosité et l’esprit critique : Les activités interactives encouragent les élèves à observer, analyser et poser des questions, développant ainsi des compétences clés.
Lutter contre les stéréotypes : Elles déconstruisent les idées reçues sur les métiers scientifiques, notamment les préjugés qui freinent l’accès des filles ou de certains groupes sociaux [4] [5] [6].
Inspirer et motiver : Les intervenants partagent leurs parcours et leurs expériences, offrant aux élèves des modèles concrets et inspirants [7] [8].
Renforcer les apprentissages : Les approches pratiques et contextuelles utilisées ancrent les notions scientifiques dans un cadre concret et engageant.
Si ces initiatives permettent aux élèves de mieux comprendre les sciences, elle est aussi une occasion unique pour les scientifiques de mieux comprendre le milieu scolaire, les difficultés que rencontrenbt les élèves dans leur apprentuissage et créer des liens forts avec des enseignants.
Quels résultats peut-on espérer ?
De nombreuses recherches internationales ont démontré les effets positifs des interventions de scientifiques en classe, notamment à l’école primaire et au collège. Ces effets sont particulièrement visibles sur la motivation, l’intérêt pour les sciences et la confiance des élèves dans leurs capacités. Par exemple, des études menées aux États-Unis, au Canada et en France montrent que les élèves ayant bénéficié d’interventions scientifiques expriment davantage de curiosité, posent plus de questions, et modifient positivement leur image des métiers scientifiques [1] [2] [3].
Des dispositifs comme ASTEP en France ou Mission to Mars au Canada ont mis en évidence un accroissement de l’enthousiasme et du sentiment d’émerveillement face aux sciences. Les élèves développent une meilleure représentation du scientifique – moins stéréotypée – et se projettent plus facilement dans des études scientifiques, surtout lorsque les intervenants partagent des caractéristiques communes avec eux (genre, origine, âge). Ces effets sont particulièrement marqués chez les filles et les élèves issus de milieux défavorisés.
Même si les effets cognitifs (apprentissage de contenus scientifiques) peuvent être limités dans les interventions ponctuelles, les impacts affectifs et motivationnels sont bien documentés. Ces expériences jouent donc un rôle clé dans l’éveil des vocations scientifiques [9].
Quel format pour quelle efficacité ?
Une étude récente publiée dans Physical Review Physics Education Research (2025) [11] a comparé l’impact de trois types de présentations scientifiques : la démonstration magistrale, le spectacle scientifique théâtralisé, et les expériences pratiques menées en petits groupes. Leurs résultats montrent que les formats incarnés et spectaculaires, comme les démonstrations publiques ou les spectacles de science, suscitent un enthousiasme marqué, notamment chez les élèves les moins engagés en sciences. Ces formats sont particulièrement efficaces pour capter l’attention et éveiller l’intérêt, surtout chez les élèves les plus éloignés de la discipline.
Cependant, ces mêmes élèves déclarent parfois percevoir ces séances comme moins utiles sur le plan des apprentissages. Le plaisir est présent, mais le lien avec les savoirs n’est pas toujours explicite. En revanche, les activités pratiques encadrées, bien qu’un peu moins « spectaculaires », sont mieux perçues en termes de compréhension et d’utilité pédagogique.
Ce constat souligne un point essentiel : le rôle de l’enseignant dans l’encadrement et la mise en perspective est fondamental. Présenter le chercheur, introduire les objectifs scientifiques de la séance, et prolonger les démonstrations par un travail en classe permettent de transformer une intervention ponctuelle en véritable moment d’enseignement. Lorsqu’un spectacle scientifique s’intègre dans un parcours d’apprentissage construit, il devient un levier intéressant pour l’appropriation des sciences.
Engagements de l’intervenant et de l’enseignant
La réussite d’une intervention repose sur une collaboration étroite entre l’intervenant scientifique et l’enseignant. Les recherches montrent que lorsque l’enseignant s’implique activement – en préparant les élèves, en participant à l’intervention, et en prolongeant les apports en classe – les effets sont significativement renforcés [4] [10]. À l’inverse, une absence d’engagement ou de coordination peut limiter fortement l’impact pédagogique. C’est pourquoi la co-animation, fondée sur une réelle complémentarité des rôles, est essentielle.
Cette collaboration repose sur une complémentarité : l’intervenant apporte son expertise scientifique, tandis que l’enseignant veille à inscrire cette expérience dans une démarche pédagogique adaptée aux besoins des élèves.
L’intervenant s’engage à :
Présenter son métier, ses recherches ou son expertise de manière claire et adaptée au niveau des élèves.
Proposer des activités dynamiques telles que des ateliers, des conférences ou des démonstrations en lien avec les thématiques abordées.
Mettre à disposition des supports pédagogiques adaptés, comme des mallettes ou des outils numériques.
Collaborer avec l’enseignant pour inscrire son intervention dans un projet pédagogique cohérent.
Répondre aux questions des élèves et les accompagner dans leur réflexion pour nourrir leur curiosité scientifique.
L'enseignant s'engage à :
Préparer les élèves avant l’intervention en définissant les objectifs pédagogiques et en introduisant les thèmes abordés.
Encadrer les élèves durant l’intervention afin de garantir une atmosphère propice aux échanges.
Intégrer les apports de l’intervenant dans les séquences pédagogiques avant et après l’intervention pour prolonger l’apprentissage.
Favoriser les interactions entre l’intervenant et les élèves, en encourageant les questions et en facilitant le dialogue.
Fournir un retour d’expérience si nécessaire, pour améliorer les collaborations futures.
L’intervenant et l’enseignant ont des rôles distincts et complémentaires : l’intervenant anime, tandis que l’enseignant enseigne. Il ne s’agit pas de substituer un rôle à l’autre, mais de s’enrichir mutuellement. Cette collaboration, mieux décrite comme une co-animation, repose sur le respect des compétences de chacun. Ensemble, ils accompagnent les élèves dans une démarche d’investigation, en veillant à travailler de manière coordonnée et rigoureuse, tout en préservant leurs identités professionnelles respectives.
Comment organiser une intervention ?
Il existe de nombreux dispositifs permettant d’inviter des intervenants scientifiques en classe. Certains sont nationaux, comme le programme Partenaires Scientifiques pour la Classe de La main à la pâte, d’autres sont régionaux, comme Sciences dans les Classes de l’Académie Aix-Marseille. Nous avons classé ces initiatives en quatres catégories : Initiatives Générales, Initiatives Thématiques, Initiatives pour la Diversité, Initiatives Locales.
Le choix du dispositif dépend des thématiques abordées, des objectifs pédagogiques et de la durée de l’accompagnement souhaité. Nous avons répertorié ci-dessous une quinzaine d'initiatives. On pourra également contacter le rectorat, le référent Sciences de circonscription ou l'IEN coordonnateur du groupe départemental sciences et technologie, ou une société savante qui pourra rediriger l'enseignant vers les bons interlocuteurs : https://societes-savantes.fr
Initiatives générales
Partenaires scientifiques pour la classe
Soutien : La main à la pâte
Objectif : Encourager l'investigation scientifique dans les écoles primaires en associant des scientifiques aux enseignants.
Intervenants : Professionnels et étudiants scientifiques.
DÉCLIC
Soutien : Association Cercle FSER (Fondation Schlumberger pour l'Éducation et la Recherche)
Objectif : Susciter la curiosité des lycéens pour les sciences et la recherche en créant un dialogue direct avec des chercheurs.
Intervenants : Chercheurs actifs issus de différents domaines scientifiques.
Lien : DÉCLIC
Initiatives thématiques
Environnement marin
Nom : Programmes de sciences participatives
Soutien : Ifremer
Objectif : Impliquer les élèves dans des projets concrets liés à l’environnement marin et à la biodiversité.
Intervenants : Scientifiques et médiateurs.
Lien : Sciences participatives Ifremer
Astronomie et astrophysique
Nom : Parrainages des classes
Soutien : Observatoire de Paris
Objectif : Développer des projets pédagogiques liés à l’astronomie, avec des séances d’observation et des conférences.
Intervenants : Astronomes.
Sciences numériques
Nom : 1 scientifique, 1 classe : chiche !
Soutien : Inria et le Ministère de l’Éducation nationale
Objectif : Sensibiliser les élèves de seconde aux sciences numériques et techniques.
Intervenants : Chercheurs et ingénieurs.
Recherche médicale
Nom : 1000 chercheurs dans les écoles
Soutien : AFM-Téléthon
Objectif : Sensibiliser les élèves à la recherche médicale et aux thérapies innovantes.
Intervenants : Chercheurs financés par l’AFM-Téléthon.
Sciences forensiques
Nom : EXPERTS à l’École
Soutien : Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN)
Objectif : Initier les élèves aux techniques de criminalistique et leur faire découvrir les métiers scientifiques liés à la gendarmerie nationale.
Intervenants : Experts en criminalistique de l’IRCGN (gendarmes spécialisés).
Public : Collégiens (ateliers scientifiques pour élèves de 5e et 3e).
Lien : EXPERTS à l’École - IRCGN
Initiatives pour la diversité
Pour les Filles et la Science
Soutien : Fondation L’Oréal
Objectif : Encourager les filles à choisir des carrières scientifiques et techniques, tout en luttant contre les stéréotypes.
Intervenants : Ambassadrices scientifiques.
Interventions scolaires – Femmes & Sciences
Soutien : Association Femmes & Sciences
Objectif : Sensibiliser les élèves, notamment les filles, aux carrières scientifiques et techniques.
Intervenants : Étudiants et femmes scientifiques locales.
Lien : Femmes & Sciences
Femmes en Sciences
Soutien : AFNEUS
Objectif : Sensibiliser sur la place des filles et des femmes dans les cursus et les carrières scientifiques et lutter contre les stéréotypeset l’auto-censure des jeunes filles.
Intervenants : Étudiants et femmes scientifiques
Elles bougent
Soutien : Association Elles bougent
Objectif : Renforcer la mixité dans les secteurs industriels et technologiques en incitant les jeunes filles à envisager des carrières scientifiques et techniques, et en luttant contre les stéréotypes de genre.
Intervenants : Marraines professionnelles issues des secteurs industriels et technologiques.
Lien : Elles bougent
Initiatives locales
Académie d'Aix-Marseille
Nom : Sciences dans les classes
Soutien : Académie d’Aix-Marseille
Objectif : Proposer des ateliers scientifiques dans les établissements scolaires de la région.
Intervenants : Chercheurs et médiateurs scientifiques.
Lien : Sciences dans les classes
Relation avec le Royaume Uni
Nom : Science in Schools
Soutien : British Council
Objectif : Sensibiliser les élèves à la science via des ateliers en anglais.
Intervenants : Chercheurs britanniques.
Lien : Science in Schools
Pour en savoir plus
Thiry, H., Laursen, S., & Hunter, A. (2007). “What experiences help students become scientists?” Journal of Research in Science Teaching, 44(1), 1–32.
Richard, M., et al. (2022). “The effect of a space-themed science outreach program on elementary students’ emotions and interest in science.” International Journal of Science Education, 44(7), 1041–1062.
Parker, J. M., et al. (2015).
“Draw a Scientist: Enhancing elementary school students’ identification with science.” Science and Children, 53(1), 32–37.
Lafosse, C., & Boilevin, J.-M. (2018). Évaluation du dispositif ASTEP dans des écoles REP+. Rapport interne La main à la pâte
Cheryan, S., Ziegler, S. A., Montoya, A. K., & Jiang, L. (2017). “Why are some STEM fields more gender balanced than others?”. Psychological Bulletin, 143(1), 1–35.
Drury, B. J., Siy, J. O., & Cheryan, S. (2011). “When do female role models benefit women? The importance of differentiation.” Social Psychological and Personality Science, 2(4), 351–359.
González-Pérez, S., Mateos de Cabo, R., & Sáinz, M. (2020). “Girls in STEM: Is it a female role-model thing?”. Frontiers in Psychology, 11, 2204.
Cheryan, S., Ziegler, S. A., Montoya, A. K., & Jiang, L. (2017). “Why are some STEM fields more gender balanced than others?”. Psychological Bulletin, 143(1), 1–35.
Dorph, R., Shields, P., Tiffany-Morales, J., Hartry, A., & McCaffrey, T. (2011).
High Hopes–Few Opportunities: The Status of Elementary Science Education in California.
“Partnerships for STEM Education: A Synthesis of Research on Scientist–Teacher Collaboration.”
Journal of Science Teacher Education, 19(6), 495–512.
https://journals.aps.org/prper/pdf/10.1103/PhysRevPhysEducRes.21.010146
https://eduscol.education.fr/188/partenaires-scientifiques-pour-la-classe
https://societes-savantes.fr/accompagner-enseignants-primaire/