Sept expériences sur la gravité à faire avec un smartphone (partie 1)
Updated: Aug 23
Le concept de gravité n'est pas toujours facile à appréhender. Dans cet article en deux parties, nous proposons sept expériences, facilement réalisables avec un smartphone, qui permettent de mieux comprendre ce phénomène physique. Elles nous emmèneront à bord d'un avion Zero G, sur la lune, en Italie, à 10 000 mètres d'altitude ou à l'équateur : êtes-vous prêts ?
Table des matières :
Qu'est-ce que la gravité ? - Vol zéro G - Mesurer g - Un pendule sur la Lune - Trajectoire d'une chute - Pèse-t-on moins lourd sur l'Everest ? - Comment fonctionne un accéléromètre - Le mystère du pendule à l'équateur
Qu’est-ce que la gravité ?
La gravité est une force fondamentale de l'univers qui régit l'interaction entre les corps à l’échelle macroscopique. Elle est responsable de l'attraction mutuelle entre tous les objets possédant une masse. Lorsque nous laissons tomber un objet, il tombe vers le sol en raison de la force gravitationnelle exercée par la Terre.
Galilée est le premier à avoir étudié le phénomène de la chute des corps de manière scientifique. L’expérience de Galilée sur la chute des corps du haut de la tour de Pise est probablement un mythe, mais de nombreuses expériences de pensée lui ont permis de montrer que, contrairement à l'idée préconçue, deux objets de masses différentes chutent (sans frottements) à la même vitesse. De plus, en étudiant une balle qui roule librement le long d’un plan incliné, il calcule que la distance que parcourt la balle augmente avec le carré du temps écoulé.
Cette loi sera démontrée un siècle plus tard avec à la théorie de la gravité proposée par Sir Isaac Newton. Il postule que chaque objet dans l'univers attire tous les autres objets avec une force proportionnelle à leur masse et inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare. Selon la loi de la gravitation universelle de Newton, la force gravitationnelle (F) entre deux objets de masse (m1) et (m2) séparés par une distance (r) est donnée par l'équation : F = G * (m1 * m2) / r², où G est la constante de gravitation universelle, qui a une valeur d'environ 6,674 × 10^-11 N(m/kg)².
Pour un objet sur la surface de la terre, la force gravitationnelle qui s’applique à un objet, aussi appelé le poids de l’objet, peut s'écrire simplement : F = m * g, où g est l’accélération de la pesanteur, et m la masse d’un objet. La valeur de l'accélération de la pesanteur g est d'environ 9,81 m/s².
La Terre n’étant pas une sphère parfaite et du fait de la force centrifuge qui varie en fonction de la latitude, l’accélération de la pesanteur varie légèrement en fonction de la localisation. Par exemple, elle est légèrement plus élevée aux pôles et légèrement plus basse à l'équateur. D’autre part g varie également en fonction de l’altitude puisque la distance entre les deux masses, la Terre et l’objet est plus éloignée. A une altitude de 10 000 mètres, g = 9,74 m/s²
La théorie de Newton ne permet cependant pas d’expliquer certains phénomènes planétaires et pose d'autres questions comme par exemple d’où vient la force et pourquoi son action est instantanée. La théorie de la relativité générale, formulée par Albert Einstein au début du XXe siècle, apporte une approche révolutionnaire à la gravité. Contrairement à la vision newtonienne de la gravité comme une force d'attraction à distance, Einstein décrit la gravité comme une déformation de l'espace-temps causée par la présence de masse et d'énergie. Dans cette théorie, les objets se déplacent le long de courbes géodésiques dans l'espace-temps courbé, créant l'effet perçu comme une force gravitationnelle. Ainsi, selon la théorie de la relativité générale, la gravité n'est pas une force mystérieuse d'attraction, mais plutôt une conséquence de la courbure de l'espace-temps induite par la distribution de masse et d’énergie.
La théorie de la relativité générale a été confirmée par de nombreuses observations et expériences, notamment les déviations de la lumière des étoiles lorsqu'elle passe près du Soleil, connues sous le nom d'effet de lentille gravitationnelle, et la précession de l'orbite de Mercure autour du Soleil.
Vol Zero G

Pour entraîner les astronautes à l'apesanteur, c'est-dire l'absence de gravité, on les soumet à des vols Zéro G. Les astronautes sont placés dans la carlingue vide de l'avion, les parois intérieures de l'appareil sont recouvertes de matelas. Dans ces vols, l’avion décrit des paraboles. Pendant la fin de la phase ascendante, puis le début de la phase descendante, les astronautes peuvent enlever leurs ceintures de sécurité et voler librement dans la carlingue comme si ils étaient en apesanteur. Que se passe-t-il à l'intérieur de la cabine ? L'expérience suivante à réaliser avec un smartphone permet de reproduire fidèlement le phénomène.
Tout d'abord, posons notre smartphone sur une table puis dans FizziQ ouvrons l’instrument de mesure Accélération absolue. Nous voyons apparaître la valeur de 9,80 m/s². Si nous orientons le portable différemment dans toutes les directions, nous voyons que la valeur reste constante à environ 9,80 m/s². Le smartphone est soumis à une force équivalente à une accélération de 9,80 m/s², l'accélération de la pesanteur. Puisque le smartphone posé sur une table ne bouge pas, ce qui veut dire qu’il y a une autre force, qui est créée par la table qui pousse en sens inverse et permet au mobile d’être au repos. C'est la force de réaction de la table.

Que se passe-t-il si on enlève la table ? Plaçons un matelas par terre, ou mieux utilisons un lit moelleux, puis appuyons sur le bouton enregistrer et lançons notre smartphone pour qu'il décrive une parabole et qu’il retombe sur le matelas. Après avoir arrêter l'enregistrement que l'on ajoute au cahier d'expérience, on constate que pendant tout la période en l’air, l’accélération mesurée est nulle. Bien que le smartphone ait été en chute libre, et donc que sa vitesse verticale ait varié pour un observateur placé sur terre, le smartphone lui ne perçoit aucune force, il est en apesanteur. Pourquoi l'accélération est-elle nulle ? L'accélération est mesurée par le mouvement d'un petit poids, à l'intérieur du smartphone, par rapport au boîtier du smartphone. Lorsque le smartphone tombe, toutes les parties du smartphone tombent ensemble, et il n'y a donc pas de mouvement relatif du poids par rapport au boîtier. Au contraire lorsque nous tenons le boîtier, le poids est tiré par la gravité mais le boîtier est maintenu fixe par notre bras. Il y a donc un mouvement relatif de l'un par rapport à l'autre.

Revenons au cas du vol Zéro G. Au début de la phase ascendante, les astronautes sont soumis à une accélération qui va leur faire décrire un mouvement parabolique, puis l'avion ralenti et aligne sa vitesse verticale et horizontale sur celle des passagers en chute libre. Les astronautes ont la sensation d'être en apesanteur, car ils flottent dans la carlingue. Cependant, pour un observateur extérieur à l’avion, les astronautes seraient en chute libre. De la même manière, l'accéléromètre dans notre smartphone détecte une accélération nulle car l'ensemble du smartphone auquel est attaché le petit poids de l'accéléromètre suit le même mouvement que lui. Nous reviendrons sur l'explication de ce phénomène dans une autre expérience.
Cette expérience rappelle «l'expérience de pensée d'ascenseur» d'Einstein qui a joué un rôle déterminant dans le développement du principe d'équivalence, au cœur de sa théorie générale de la relativité. Dans l'expérience, à l'intérieur d'un ascenseur fermé dans l'espace profond qui accélère vers le haut, une balle lâchée semble tomber vers le sol de la même manière que l'attraction gravitationnelle de la Terre. En revanche, un ascenseur stationnaire près d'une planète comme la Terre subit un effet similaire dû à la gravité. L'essence de cette expérience de pensée est que dans les limites de l'ascenseur, on ne peut pas faire la distinction entre les effets de la gravité et l'accélération pure. Le vol Zero G, et un smartphone en chute libre, sont les équivalents d'un ascenseur qui tombe avec la même accélération que la gravité et donnent donc l'impression d'une gravité zéro. Il n'y a pas de moyen pour ceux qui sont dans la cabine de l'avion de savoir si ils sont dans l'espace ou près d'une planète.
Mesurer g
Un des paramètres essentiels de la théorie de la gravitation est l’accélération de la pesanteur, g. Selon que cette valeur est grande ou faible, on se sent lourd comme sur Terre ou léger comme sur la Lune. Nous avons vu que l’accéléromètre permettait d'estimer cette valeur, mais les scientifiques au XVIème siècle ne possédaient pas cet instrument. Peut-on calculer g sans utiliser l'accéléromètre ?
Pour cela nous allons faire la même expérience que Galilée et mesurer le temps que met un corps à tomber d’une certaine hauteur. On sait que la relation qui lie la durée totale t de la chute d’un objet et la hauteur h à laquelle cet objet est lâché est h = 1/2*g*t². Pour calculer g il nous suffit donc de mesurer la durée de la chute d’un objet caché à une hauteur connue.
Faisons une première expérience en prenant une balle que nous lâchons d’une certaine hauteur h, par exemple du premier étage d'un immeuble ou d'une maison, en faisant bien attention de ne faire de mal à personne ou de ne pas abimer quelque chose. Avec un chronomètre d'un smartphone, nous mesurons la durée de la chute. Nous avons mesuré la valeur de 0,95 s pour la durée d'une chute pour 3,5 m, ce qui donne une valeur de g de 7,75 m/s².
Cette valeur n'est pas très précise, car il est difficile de démarrer et d'arrêter le chronomètre aux moments précis où on lâche la balle et où elle atterrit. Une erreur de 10% sur la durée entraîne une erreur de plus de 20% sur la mesurer de g. Le déclenchement du chronomètre à la main créant beaucoup d'aléas, il nous faut donc utiliser une méthode plus précise. Dans FizziQ nous disposons de la capacité d'enregistrer le volume sonore sur une période donnée. Nous allons donc créer un dispositif dans lequel un son est créé quand l'objet commence à tomber et un autre quand l'objet touche la terre. Il ne nous suffira alors de mesurer l'intervalle de temps entre ces deux évènements.

Dans cette expérience, nous faisons tomber un boulon d'une étagère de manière à générer un bruit au moment ou il commence sa chute et un autre au moment où il la termine. Plaçons le boulon tout au bord de l'étagère puis avec un outil, on donne un coup brusque sur le boulon pour le pousser dans le vide en créant un petit bruit caractéristique.

Quand le boulon heurte le sol, il émet un autre bruit du choc. Avec FizziQ on mesure le temps écoulé : on sélectionne le volume sonore, puis on lance l'enregistrement et on fait l'expérience décrite précisément. Quand le boulon a atteint le sol, on arrête l'enregistrement. En étudiant les données dans le cahier d'expériences, on peut déterminer avec précision le premier et le deuxième choc, et donc avoir une mesure précise du temps de chute.
La photo montre le dispositif utilisé et le graphique, la mesure réalisée. L’étage à une hauteur de 1,28 m et la durée mesurée est 0,51 s, ce qui donne une valeur de g de 9,84 m/s².
Pour améliorer la mesure, on peut utiliser un chronomètre sonore comme pour la mesure de la vitesse du son : https://www.fizziq.org/team/boum. On peut aussi utiliser un déclenchement avec l'accélération : https://www.fizziq.org/team/galilée.
Peut-être aurez-vous d'autres suggestions de montages qui permettent de mesurer précisément la durée de la chute ? Envoyez vos suggestions à info@fizziqlab.org.
Un pendule sur la lune
Si on fait osciller un pendule sur la Lune, la période sera-t-elle plus longue ou plus courte que sur Terre ?
Les astronautes de la NASA n'ont pas fait l'expérience du pendule sur la Lune, mais dans les archives des missions Apollo on a trouvé un extrait lors du débarquement d'un caisson durant lequel le container est entré en oscillation. Les scientifiques ont alors pu calculer la période de ce pendule et déduire que sa période était environ 2,5 fois plus importante que sur la terre : https://history.nasa.gov/alsj/a14/a14pendulum.html. Comment expliquer ce phénomène ?

Galilée, le premier à avoir effectué des expériences approfondies sur le mouvement des pendules, il montre en 1632 que la période du pendule pour des faibles oscillations ne dépend ni de sa masse, ni de l'amplitude des oscillations mais uniquement de sa longueur. Cette remarque sera à la base des mouvements d'horlogerie qui utilise des balanciers. Huygens en 1659 détermine l'expression exacte de la période d'un pendule pour des faibles oscillations : T=2π*√(l/g), où g est la pesanteur.
La période dépend de la longueur l du pendule mais aussi d'un paramètre terrestre fondamental : l'accélération de la pesanteur, g. Ce qui a permis aux scientifiques de déterminer pour la première fois avec précision la constante g, ou plutôt la longueur d'un pendule qui avait une période de une seconde. En 1690, dans son Discours de la cause de la pesanteur, Huygens indique que la longueur du pendule battant la seconde à Paris est de 3 pieds 8,66 lignes soit 0,9941 m, qui correspond à une pesanteur à Paris de 9,812 m/s² (avec nos unités). Le pendule devient à l'époque l'instrument de mesure de la pesanteur.
On voit que cette formule la période est inversement proportionnelle à la racine carrée de g. Sur la lune la période d’un pendule serait donc 2,5 fois plus importante que sur la terre, vérifié par les calculs que les scientifiques ont fait en analysant la vidéo d'Apollo 14 et détaillés sur le site de la NASA : https://history.nasa.gov/alsj/a14/a14pendulum.html.
Comme nous ne sommes pas sur la Lune, nous allons vérifier la formule de Huygens sur terre. Nous utiliserons le luxmètre fourni par l’application FizziQ pour les smartphones pour calculer avec précision la période d’un pendule. Nous suspendons un pendule fait avec une balle assez lourde au bout d’un fil de telle manière que la balle vienne occulter la cellule photoélectrique d’un smartphone quand elle est en position basse. La cellule photoélectrique des appareils Android est habituellement placée à droite de l’appareil photo. On peut la localiser en mesurant la luminosité avec l’instrument Eclairement de FizziQ et en plaçant le doigt là ou on pense qu’elle se situe.
Grâce à la mesure de l’éclairement, on peut très précisément déterminer la période du pendule qui correspond à l’écart entre deux pics de luminosité. On vérifie alors la loi de Huygens sur les pendules. On peut également utiliser cette mesure pour faire un autre calcul plus précis de g.
Trajectoire d’une chute
En regardant un match de basket, on a l'habitude de voir de belles courbes décrites par les ballons lors d'un lancer à distance et la théorie nous dit que cette courbe est due à l'action de la gravité sur tout objet lancé en l'air. Mais peut-on en savoir plus sur cette courbe, et son équation nous permet-elle d'"en savoir plus sur la gravité ?
Pour cela nous utilisons un des atouts les plus évidents des smartphones et tablettes : l'appareil photo qui permet au physicien de réaliser des vidéos précises des mouvements qu'il ou elle étudie. Grâce aux outils d'analyse de vidéo de l'application FizziQ, on peut de plus analyser en détail la cinématique de ces mouvements, tracer leurs trajectoires et exporter les caractéristiques des mouvements sur un tableur. L’utilisateur peut soit créer sa vidéo d'un objet en chute libre, soit utiliser une des vidéos disponibles dans l’application. La bibliothèque de vidéos de l'application FizziQ contient de nombreuses vidéos, notamment sur le sport, qui peuvent être utilisées pour étudier la cinématique de la chute libre : https://www.fizziq.org/cinematique.
Par exemple, utilisons la vidéo de la chute d’une balle du module cinématique. On trouvera dans le tutoriel suivant sur Youtube comment conduire l'analyse de la vidéo en utilisant FizziQ : https://www.youtube.com/watch?v=sZdndmHefH8.

Après avoir réalisé l'analyse de la chute, on place les données de la trajectoire dans le cahier d'expériences. En traçant le graphique pour la position verticale de la balle en fonction du temps, on constate que cette trajectoire est une parabole, confirmant ainsi le résultat de Galilée.
Quelle est l'équation de cette parabole ? En appuyant en bas sur les fonctions d'interpolation, on choisit l'interpolation quadratique qui donne l'équation de la trajectoire. Dans le graphique 3, l’équation de la fonction interpolée est f(x) = 4,72x²-1,48x+2,05. Cette analyse permet également de retrouver l’accélération de l’apesanteur g = 2*4,72 = 9,44 m/s².
L'intuition de Galilée sur la dépendance de la position d'une balle en chute libre par rapport au temps était donc la bonne !
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